Peur de manquer : comment la comprendre et la soulager

par | 12 Sep 2023 | Bien-être et relaxation

peur de manquer

Si vous avez déjà ressenti une anxiété irrépressible à l’idée de manquer de quelque chose, que ce soit de l’argent, des opportunités ou même de l’amour, rassurez-vous, vous n’êtes pas seul.

Je me rappelle une très bonne amie qui n’était que trop rarement heureuse et qui, extérieurement, semblait pourtant tout avoir pour elle. Un jour, elle m’a confié qu’elle était généralement maussade car « tout ce qui est bon à une fin », donc qu’elle allait perdre tout ce à quoi elle tient tôt ou tard.

Ce sentiment est souvent appelé la « peur de manquer ». On peut aussi parler de « peur de tout perdre ». Elle peut être extrêmement invalidante.

Selon les psychologues, il s’agit d’une crainte de l’avenir qui peut influencer notre comportement d’une manière souvent disproportionnée par rapport à la réalité objective.

Dans notre société de consommation et d’abondance apparente, cette peur peut sembler paradoxale. Pourtant, elle est plus pertinente que jamais. L’ère des médias sociaux et l’accélération de la vie moderne ont amplifié ce sentiment, entraînant des conséquences néfastes sur notre bien-être mental et même physique.

Une étude de l’Université de Stanford montre que la peur de manquer une opportunité est un facteur majeur de stress dans la vie moderne, avec des implications sur la santé mentale et la qualité des relations interpersonnelles (1).

L’objectif de cet article est triple : comprendre comment se manifeste la peur de manquer, explorer les causes psychologiques sous-jacentes qui peuvent la déclencher, et le plus important, proposer des solutions possibles pour s’en libérer, en nous appuyant autant que possible sur des travaux de psychologues et de philosophes.

Comment se manifeste la peur de manquer ?

La peur de manquer peut se concrétiser par des peurs très spécifiques :

  • peur de manquer d’argent
  • peur de plus pouvoir payer son loyer ou les traites d’un crédit
  • peur de devoir tirer un trait sur ses passions, ses loisirs
  • peur de se retrouver à la rue
  • peur de perdre le contrôle
  • peur de perdre son emploi
  • peur de perdre son indépendance

Ces peurs peuvent engendrer des comportements irrationnels :

Accumulation matérialiste excessive

Ce phénomène se traduit par des achats compulsifs ou le stockage excessif de biens. Dans une société où la possession matérielle est souvent assimilée à la réussite ou au bonheur, la peur de manquer peut entraîner des comportements d’achat irrationnels. L’individu, dans sa quête de sécurité, peut se retrouver piégé dans un cycle d’achat et d’accumulation sans fin, espérant inconsciemment que posséder plus le protégera de la disette à venir.

Relations toxiques

Au-delà du matérialisme, la peur de manquer se manifeste également dans les relations interpersonnelles. La dépendance affective en est un exemple. Dans une relation, l’un des partenaires peut rester même s’il sait que la relation est toxique, simplement parce qu’il a peur de se retrouver seul. Cette peur de la solitude ou de l’abandon peut parfois être si puissante qu’elle éclipse le besoin de bien-être et d’épanouissement personnel.

Sentiments d’anxiété et d’angoisse face à l’avenir

L’anxiété et le stress sont des symptômes communs associés à la peur de manquer. Qu’il s’agisse d’une inquiétude constante pour la sécurité financière ou d’une angoisse liée à la performance dans le milieu professionnel, ces émotions peuvent être épuisantes. Le stress accumulé peut aussi avoir des répercussions néfastes sur la santé physique, comme des troubles du sommeil, une augmentation du risque de maladies cardiaques et d’autres conditions médicales sérieuses.

Quelle est l’origine psychologique de la peur de manquer ?

Pour comprendre la psychologie qui engendre cette peur de manquer, les études de John Bowlby et sa théorie de l’attachement sont particulièrement indiquées. Selon ce psychanalyste – et cela ne vous surprendra donc pas – il faut chercher du côté de l’enfance.

Pour lui, la manière dont les besoins affectifs ont été satisfaits ou non pendant l’enfance peut avoir un impact durable sur les comportements et les relations à l’âge adulte.

La peur de manquer pourrait être interprétée comme une forme d’attachement insécurisé, où l’individu n’a pas intégré un sentiment fondamental de sécurité et cherche donc constamment à combler ce vide par des moyens externes.

L’éducation reçue pendant l’enfance, les valeurs inculquées, tout compte. Si l’enfant grandit dans un environnement où les ressources sont limitées ou instables, cela peut créer un sentiment persistant de manque. Ce sentiment s’installe souvent dès le plus jeune âge et continue de se développer à l’âge adulte.

Les causes psychologiques de la peur de manquer peuvent aussi être exacerbées par des expériences traumatisantes et un manque d’estime de soi. Qu’il s’agisse d’une perte soudaine, d’une rupture affective ou d’un événement choquant, le trauma peut créer une anxiété constante.

Enfin, une faible estime de soi, quand on ne s’évalue pas à sa juste valeur et que l’on manque de confiance en soi et en son potentiel, cela peut probablement être un terrain propice au développement d’une angoisse existentielle.

Quelles solutions pour se libérer de la peur de manquer

jeune femme en séance de méditation

Si vous lisez cet article, peut-être avez-vous pris conscience du problème. C’est la première étape en vue d’une solution.

Il existe diverses approches pour gérer et éventuellement se libérer de la peur de manquer.

Il est possible d’utiliser des méthodes comme la thérapie cognitivo-comportementale, de s’inspirer de philosophies de vie comme le bouddhisme, ou de pratiques quotidiennes simples comme la méditation et la gestion budgétaire.

Chaque individu peut trouver une méthode qui lui convient pour surmonter ce défi psychologique complexe.

Approches psychologiques

La Thérapie cognitivo-comportementale (TCC) est une approche qui permet de traiter divers troubles mentaux, y compris l’anxiété et le stress qui accompagnent souvent la peur de manquer.

Cette méthode, mise au point par le Dr. Aaron T. Beck, se focalise sur l’identification et la restructuration des schémas de pensée négatifs qui contribuent à l’angoisse de la perte. C’est une approche validée par des études sérieuses (2).

Concrètement, lors d’une séance de TCC, un thérapeute travaille avec le patient pour comprendre comment ses pensées influencent ses émotions et ses actions. On explore les croyances irrationnelles ou les pensées automatiques négatives, puis on les remplace par des pensées plus positives et réalistes.

Parallèlement, des techniques de modification des comportements sont utilisées pour encourager des réponses plus saines aux situations stressantes.

Philosophie et spiritualités

Le bouddhisme propose notablement une perspective enrichissante sur la manière de gérer la peur de manquer grâce à la notion de détachement.

Selon les écrits du moine bouddhiste Thich Nhat Hanh, le détachement n’est pas une absence d’émotion ou de relation, mais une absence de l’attachement malsain qui cause la souffrance.

Apprendre à se détacher de la nécessité de posséder peut conduire à une réduction significative de la peur de manquer et à une augmentation du bien-être général.

« Moins nous avons, plus nous gagnons. »
— Anthony Liccione

Méditation et pleine conscience

La méditation et la pleine conscience sont des outils efficaces pour atténuer les phobies et l’angoisse. Elles aident à prendre du recul sur ses pensées et émotions, ce qui permet de mieux identifier les déclencheurs de cette peur.

Ces pratiques favorisent une meilleure régulation émotionnelle, ce qui peut aider à aborder les situations stressantes avec plus de sérénité.

Établissement d’un budget et gestion des finances

Sur un plan plus pratique, l’établissement d’un budget et une gestion rigoureuse des finances peuvent également contribuer à réduire la peur de manquer. Lorsque l’on a un contrôle sur ses finances et que l’on planifie ses dépenses, il est plus facile de dissiper les angoisses liées au manque de ressources matérielles.

Stopper ou réduire drastiquement les réseaux sociaux

Les réseaux sociaux sont souvent le terreau de la comparaison constante avec les autres. En les limitant, on cesse de se comparer aux vies apparemment parfaites que l’on voit en ligne, ce qui peut réduire les sentiments d’insuffisance et d’infériorité.

En diminuant le temps passé sur les réseaux sociaux, on a plus de temps pour se concentrer sur ses propres besoins, passions et objectifs. Cela permet de mieux se connaître, d’explorer ses centres d’intérêt et de renforcer la confiance en soi en se sentant plus en phase avec ses valeurs personnelles.

Adopter un style de vie minimaliste

La philosophie minimaliste consiste à se recentrer sur l’essentiel en simplifiant sa vie et en réduisant les distractions inutiles. Cette approche peut aider à lutter contre l’angoisse de manquer de plusieurs façons.

En adoptant le minimalisme, on apprend à distinguer clairement entre les besoins réels et les désirs superflus. On se concentre sur la satisfaction des besoins de base tels que la nourriture, le logement et les vêtements de manière plus efficace, ce qui peut réduire les inquiétudes financières.. et permettre de faire de substantielles économies !

Le minimalisme implique aussi un volet moins matérialiste qui consiste à se libérer des pressions sociales liées à la consommation. En se détachant de la nécessité de suivre les tendances et d’acquérir toujours plus, on peut réduire l’anxiété liée à la comparaison financière avec les autres.

Cette approche de la consommation raisonnée encourage aussi à s’investir dans des expériences significatives plutôt que dans des biens matériels. Cette approche peut procurer une plus grande satisfaction personnelle, indépendamment de la situation financière.

Un livre de référence sur le sujet est disponible en version poche : « Le bonheur est dans le peu » de Francine Jay.

Une réflexion sur la nature éphémère des choses

La clé principale dans de nombreuses spiritualités pour se libérer de l’anxiété liée aux possessions matérielles réside dans la compréhension de leur nature intrinsèquement éphémère : rien ne dure.

Dans notre quête du bonheur, nous investissons du temps et des efforts dans l’acquisition de biens matériels, la construction de relations, la poursuite de carrières florissantes et le maintien d’une bonne santé. Ces aspects de la vie sont indéniablement importants, chacun apportant son lot de satisfaction et de sens à notre existence. Cependant, ils partagent tous une caractéristique commune : leur impermanence.

L’argent peut s’évaporer, les carrières atteignent leur fin à la retraite, les relations évoluent et la santé n’est pas éternelle. Toutes ces choses que nous tenons en haute estime sont destinées à changer ou à disparaître un jour.

Alors, pourquoi passer notre temps précieux à nous inquiéter de la perte de ces éléments éphémères ? Imaginez que vous portiez une montre en or de grande valeur, mais découvrez qu’elle est en réalité une contrefaçon. Votre peur de la perdre s’effacerait naturellement.

De même, en comprenant et en acceptant la véritable nature de nos possessions et de nos expériences, nous pouvons transcender la peur de leur perte. Cela nous permet de trouver un équilibre et une sérénité intérieure, en nous concentrant davantage sur l’appréciation du moment présent et sur la recherche d’une véritable félicité qui n’est pas tributaire de l’éphémère.

Paulo Coelho écrivait à ce sujet : « Quand je n’avais plus rien à perdre, on m’a tout donné. Quand j’ai cessé d’être qui je suis, je me suis trouvé. Quand j’ai connu l’humiliation et que j’ai continué à marcher, j’ai compris que j’étais libre de choisir mon destin. »

Quelques livres de référence sur ce sujet

  • « L’Art de la simplicité » par Dominique Loreau
  • « La Psychologie de l’argent » par Morgan Housel
  • « Le pouvoir du moment présent » par Eckhart Tolle
  • « Your Money or Your Life » par Vicki Robin et Joe Dominguez
  • « Daring Greatly: How the Courage to Be Vulnerable Transforms the Way We Live, Love, Parent, and Lead » par Brené Brown

Études citées

1- The fear of losing control
https://www.sciencedirect.com/science/article/pii/S0005791622000465

2- Hofmann SG, Asnaani A, Vonk IJ, Sawyer AT, Fang A. The Efficacy of Cognitive Behavioral Therapy: A Review of Meta-analyses. Cognit Ther Res. 2012 Oct 1;36(5):427-440. doi: 10.1007/s10608-012-9476-1. Epub 2012 Jul 31. PMID: 23459093; PMCID: PMC3584580. https://www.ncbi.nlm.nih.gov/pmc/articles/PMC3584580/

Guillaume Devaux

A propos de l'auteur

Guillaume Devaux est le fondateur du Paradis du Thé et formateur au Conservatoire National des Arts et Métiers. Il est par ailleurs rédacteur spécialisé dans le domaine de la santé et du développement personnel depuis plus de 20 ans. Il collabore régulièrement avec des médecins, kinésithérapeutes et hypnothérapeutes pour développer une vision globale du bien-être.

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