La qualité nutritive des aliments semble avoir baissé depuis les années 50.
Une pomme contiendrait 100 fois moins de vitamine C qu’il y a un demi-siècle et une orange 21 fois moins de vitamine A. Les brocolis contiendrait 63% de calcium en moins et les tomates 50% de magnésium aux oubliettes.
C’est ce qui ressort de plusieurs rapports et études scientifiques successives.
Les fruits et légumes contiendraient moins de nutriments
De nombreuses études récentes mettent en évidence que les fruits et légumes que nous consommons aujourd’hui sont moins riches en protéines, en calcium, en phosphore, en fer, en riboflavine et en vitamine C par rapport à leurs ancêtres cultivés il y a quelques décennies.
Une première étude (qui a été largement critiquée par d’autres expert, il faut le noter et nous revenons sur ce point un peu plus bas dans cet article) a comparé les données de l’USDA (le Ministère de l’Agriculture Américain) entre 1950 et 1999. 13 nutriments dans 43 types d’aliments ont été comparés, en majorité des légumes. (1)
Et le verdict est sans appel : six nutriments essentiels affichent une baisse notable. Imaginez un smoothie plein de brocoli, de chou kale et de feuilles de moutarde. Et bien, aujourd’hui, il serait jusqu’à 38% moins riche en vitamine B2 qu’il aurait pu être il y a 70 ans. D’un coup, votre boisson healthy perd un peu de son éclat.
Le brocoli, le chou kale et les feuilles de moutarde ont subi une chute vertigineuse de leur teneur en calcium. Les blettes, les concombres et les feuilles de navet ne sont plus aussi riches en fer qu’avant. Les asperges et petits poisont également vu leur teneur en vitamine C s’évaporer.
Une autre enquête de 2022 menée en Australie révèle des baisses importantes dans la teneur en fer de légumes comme le maïs doux, les pommes de terre, ou encore le chou-fleur. On parle de diminutions allant jusqu’à 50% pour certains légumes.
Le blé aussi en prend pour son grade. Une autre étude de 2020 a révélé que la teneur en protéines du blé a dégringolé de 23% entre 1955 et 2016. On note également une baisse des niveaux de manganèse, de fer, de zinc et de magnésium.
Faut-il relativiser ces baisses de nutriments ?
Le panorama est certes sombre, mais avant de condamner l’ensemble de nos aliments, prenons du recul. Oui, la tendance montre une baisse de certains nutriments, mais il est aussi vrai que d’autres voient leur concentration augmenter.
Brian Halweil, professeur au Worldwatch Institute, apporte une nuance intéressante. Selon lui, il est moins question de la quantité de nutriments que de la manière dont notre métabolisme les assimile. La nutrition ne se limite pas à une chasse aux nutriments ; c’est un équilibre subtil que notre corps sait plutôt bien gérer. Autrement dit : notre organisme n’explorerait pas l’intégralité des nutriments disponibles dans les aliments, une baisse de leur teneur n’a donc pas forcément un impact proportionnel sur notre santé.
💡 Le saviez-vous : quand on évalue l’absorption des nutriments on parle en fait de leur biodisponibilité. L’absorption des vitamines liposolubles, comme les vitamines A, D, E et K, peut aller jusqu’à environ 90 % et est optimisée en présence de lipides. Pour les vitamines hydrosolubles comme la vitamine C et le complexe B, l’absorption est généralement supérieure à 90 %, bien que ces vitamines soient rapidement excrétées par l’organisme. En ce qui concerne les minéraux, l’absorption du calcium varie entre environ 20 % et 40 %, tandis que celle du fer oscille entre 2 % et 20 %, ces taux étant influencés par divers facteurs diététiques et physiologiques.
Le point de vue de Léon Guéguen, Directeur de recherches honoraire de l’INRA, est tout aussi éclairant. L’agriculture intensive, souvent critiquée pour sa course au rendement, mise effectivement sur des variétés riches en glucides et en protéines, mais moins en micronutriments. Mais selon lui, certaines baisses de teneurs en nutriments sont en réalité de l’ordre de 10 à 25%, ce qui est loin de la catastrophe annoncée par d’autres.. et encore, il s’agit d’une baisse bien moindre quand on considère la matière sèche.
Autre élément mis en avant : il serait quasi impossible de valider l’idée d’un “déclin” net de la qualité nutritionnelle de nos aliments. Pourquoi ? Parce que les échantillons d’aliments anciens sont rares et souvent mal conservés, ce qui rend les comparaisons hasardeuses, surtout pour les vitamines qui sont particulièrement fragiles.
Pourquoi la qualité des aliments baisse-t-elle ?
Le rendement élevé a une face cachée : une dilution des nutriments. Les agriculteurs sont payés au poids, pas en vitamines ! Donc ils ont tout intérêt à produire gros et grands, même si cela peut sacrifier la qualité.
Autre explication des partisans du BIO, les cultures intensives maltraitent le sol et rompent des alliances millénaires entre les plantes et les champignons du sol. C’est le cas du blé, du maïs, du riz, du soja et même de la banane et de la pomme de terre.
Quelles solutions pour enrayer ce déclin ?
La menace ne vient pas seulement du sol ou des pratiques agricoles actuelles, mais aussi du ciel ! En effet, les projections sur les concentrations de dioxyde de carbone dans l’atmosphère d’ici 2050 laissent entrevoir selon cette étude une baisse de 6 à 14 % en protéines dans nos féculents de base comme le riz, le blé et les pommes de terre. Une prédiction qui ajoute un nouvel angle d’attaque pour ceux qui s’intéressent à l’agriculture durable.
L’agriculture régénératrice pointe le bout de son nez comme une option viable pour rectifier la donne. Ce n’est pas une potion magique, mais plutôt un ensemble de bonnes pratiques destinées à revitaliser le sol. Et ça marche ! Des recherches récentes indiquent une amélioration de la santé du sol et une augmentation des niveaux de certaines vitamines et minéraux.
Exemples de bonnes pratiques : évitez le labour autant que possible ; cette vieille méthode a fait son temps et fatigue surtout les minéraux du sol. Ensuite, semer des plantes de couverture comme le trèfle ou le ray-grass. Non seulement elles protègent le sol, mais elles mettent aussi des bâtons dans les roues des mauvaises herbes.
La qualité du thé baisse-t-elle aussi ?
Et qu’en est-il du thé ? Je n’ai que 36 ans, donc les plus vieux thés que j’ai pu boire dataient des années 90. Difficile donc pour moi de me faire un avis sur une baisse de qualité depuis les années 50.
J’ai recherché des études scientifiques sur le sujet de l’évolution des nutriments du thé sans succès. Une chose est sûre, les rendements du thé eux aussi se sont améliorés. Depuis les années 90, on est passé d’une production de 1000 Kg de thé par hectare à environ 1100 kg aujourd’hui.
Le graphique ci-dessous donne une moyenne mondiale mais il faut garder à l’esprit qu’il y a de très fortes disparités d’une zone à une autre. Par exemple, les plantations de thé de Darjeeling en Inde offrent un rendement de l’ordre de 450 Kg par hectare contre 1800 Kg par hectare pour d’autres zones du même pays.
Les rendements du thé s’améliorent tout comme ceux du blé, des tomates ou des abricots. Alors, la même cause a t’elle toujours la même conséquence ? Le thé baisse t’il en qualité ?
J’ai tout de même tendance à penser que non. D’abord, les rendements n’ont pas explosé. On parle tout juste d’une augmentation de 10% en 20 ans. Ensuite, la plupart des pays producteurs, je pense à la Chine, l’Inde et le Kenya avaient encore des terres à exploiter pour faire face à l’augmentation de la demande (contrairement au Japon qui très tôt a vu sa demande intérieure dépasser sa production. Lire l’article Yabukita : ce cultivar qui a révolutionné le thé au Japon) ils étaient donc dans un modèle d’agriculture extensive plutôt qu’intensive… Cependant la situation arrive a saturation pour les plus grands crûs.
Études citées
1- Davis DR, Epp MD, Riordan HD. Changes in USDA food composition data for 43 garden crops, 1950 to 1999. J Am Coll Nutr. 2004 Dec;23(6):669-82. doi: 10.1080/07315724.2004.10719409. PMID: 15637215.
2- Eberl E, Li AS, Zheng ZYJ, Cunningham J, Rangan A. Temporal Change in Iron Content of Vegetables and Legumes in Australia: A Scoping Review. Foods. 2021 Dec 27;11(1):56. doi: 10.3390/foods11010056. PMID: 35010182; PMCID: PMC8750575.
3- Medek DE, Schwartz J, Myers SS. Estimated Effects of Future Atmospheric CO2 Concentrations on Protein Intake and the Risk of Protein Deficiency by Country and Region. Environ Health Perspect. 2017 Aug 2;125(8):087002. doi: 10.1289/EHP41. PMID: 28885977; PMCID: PMC5783645.