Le thé est la boisson identitaire de la Grande-Bretagne.
Les Britanniques consomment du thé depuis les années 1600, lorsque les commerçants néerlandais l’ont rapporté pour la première fois. Cependant, ce n’est qu’à la fin du 18ᵉ siècle, avec la réduction de la taxe sur le thé, qu’il est devenu véritablement populaire.
La première boutique de thé à Londres n’a ouvert qu’au début du XVIIIᵉ siècle. Celle aujourd’hui bien connue de part son nom, de Thomas Twining, inaugurée en 1706 au 216 Strand, est encore en activité aujourd’hui.
Lorsqu’ils optent pour une tasse de thé, les consommateurs britanniques privilégient largement le thé English Breakfast. Parmi les marques de thé populaires de l’autre côté de la Manche, en 2023, c’est Twinings qui dominait le marché du thé au Royaume-Uni. Pukka suivait avec 41,88 %, tandis que Taylors of Harrogate et Whittard of Chelsea atteignaient respectivement 36,51 % et 29,33 % de parts de marché.
En s’appuyant sur les données du Centre du commerce international, on trouve que la majorité du thé consommé en Grande-Bretagne provient de producteurs kényans. En 2023, plus de 62 000 tonnes ont été importées de ce pays africain, loin devant l’Inde, deuxième fournisseur avec 17 000 tonnes.
Une étude réalisée par l’institut YouGov sur un panel d’amateurs de thé de Grande-Bretagne révèle qu’ils boivent en moyenne l’équivalent de 18.000 € de thé tout au long de leur vie.
Les anglais boivent donc l’équivalent de 265 litres de thé par an, soit l’équivalent de 2 baignoires pleines.
L’études détaille un peu les habitudes des grands-bretons. Ainsi les personnes âgées de plus de 55 ans boivent 2,5 fois plus de thé que les jeunes de 16 à 24 ans.
Plus anecdotique peut-être, un tiers des femmes de moins de 24 ans se font chauffer un bon thé quand elles se sentent triste contre seulement 16% dans le cas des jeunes hommes.
Depuis le 17ᵉ siècle, le Royaume-Uni figure parmi les plus grands consommateurs de thé au monde, avec une consommation annuelle moyenne de 1,9 kilogramme par habitant.
Plusieurs historiens et sociologues se sont penchés sur les raisons – multiples – qui expliquent un tel succès.
La popularité du thé en Grande-Bretagne est liée à sa réputation de boisson médicinale et à sa présence dans les cafés où se réunissaient les hommes de l’élite. Concernant son adoption par les femmes, la princesse Catherine de Bragance, future reine consort d’Angleterre, a rendu le thé à la mode parmi les femmes aristocratiques.
Faisons un bref retour en arrière…
Entre 1720 et 1750, les importations de thé en Grande-Bretagne via la Compagnie des Indes orientales ont plus que quadruplé, augmentant l’offre et rendant le thé plus accessible au grand public.
Cette expansion a également eu des conséquences sanitaires positives : la consommation accrue d’eau bouillie réduisait les risques liés aux pathogènes.
En 1720, l’interdiction par le Parlement d’importer des textiles asiatiques finis a conduit les commerçants à se concentrer sur le thé, marquant un tournant pour le commerce britannique. La Compagnie des Indes orientales ayant fait du thé son principal produit d’importation, le prix du thé s’est stabilisé, contrairement à celui du café, qui restait élevé et imprévisible.
L’ajout de sucre au thé, pratique qui s’est répandue entre 1685 et le début du XVIIIᵉ siècle, a également contribué à son succès.
Initialement boisson de luxe réservée aux classes supérieures, le thé s’est progressivement démocratisé avec la baisse des prix, devenant un symbole de respectabilité pour une classe moyenne en quête d’ascension sociale. Boire du thé impliquait alors des codes de conduite spécifiques et devenait un rituel familial et social, renforçant sa popularité.
Le monopole de la Compagnie des Indes orientales sur le marché du thé en Grande-Bretagne a contribué à sa prédominance face au café, au chocolat et à l’alcool. Considéré comme intrinsèquement britannique, le thé était encouragé par le gouvernement, qui tirait des revenus substantiels de sa taxation. À l’inverse de produits comme le café ou le chocolat, associés aux colonies des rivaux de la Grande-Bretagne, le thé provenait d’une immense colonie britannique, renforçant ainsi sa valeur économique et politique.
Au XIXᵉ siècle, le thé a atteint les classes ouvrières, devenant une nécessité quotidienne pour les travailleurs pauvres. Bien que le prix du café ait diminué à cette époque, le thé restait préféré : même dilué, il conservait son goût, une pratique courante parmi les moins fortunés pour économiser.
Les Français ont toujours privilégié le café comme boisson principale. Le café, introduit au XVIIᵉ siècle, a rapidement supplanté le thé comme boisson prisée dans les salons intellectuels et artistiques, devenant un symbole d’élégance et de raffinement. C’était aussi un produit de leurs colonies aux Antilles notamment.
Pour les Pays-Bas et l’Allemagne, bien que ces pays aient été d’importants importateurs de thé via des compagnies commerciales comme la Compagnie néerlandaise des Indes orientales (VOC), ils ont eux aussi développé une culture du café, particulièrement en Allemagne, où le café s’est popularisé parmi toutes les classes sociales au XVIIIᵉ siècle.
La Compagnie britannique des Indes orientales détenait de son côté un monopole sur l’importation du thé, ce qui a permis de le promouvoir massivement et de réduire son coût au fil du temps. Le thé s’est ainsi imposé comme une boisson nationale.
Beaucoup supposent que l’ajout de lait dans le thé a commencé en Angleterre, mais ce n’est pas vraiment le cas. Les Britanniques n’ont commencé à boire du thé qu’au 17ème siècle, alors que les produits laitiers étaient déjà ajoutés au thé au Tibet dès 780, quand le thé a été introduit en Mongolie depuis la Chine.
En Inde, le lait fait partie intégrante du masala chai, et son histoire pourrait remonter à des milliers d’années en tant que boisson ayurvédique. Mais les feuilles de thé n’ont fait leur apparition dans cette boisson qu’après l’établissement des plantations de thé britanniques au milieu des années 1800.
Il existe plusieurs théories sur la raison de l’ajout du lait dans le thé anglais.
La qualité du thé arrivant en Europe occidentale aux 17ème et 18ème siècles laissait beaucoup à désirer. Les longs voyages en mer, le stockage inapproprié et même l’altération des feuilles de thé rendaient souvent les infusions peu agréables. Une théorie est que le lait était ajouté à ces thés pour équilibrer le goût et adoucir les saveurs âpres.
En général, l’ajout de lait aux thés riches en tanins comme le thé noir adoucit considérablement l’infusion. Les tanins entraînent de l’amertume et aussi de l’astringence, qui est une sensation d’assèchement en bouche. Le lait se lie aux tanins et ajoute également un peu de douceur naturelle, équilibrant ainsi la saveur. Cela aide aussi avec les mélanges de thé noir qui peuvent être de faible qualité et donc encore plus riches en tanins.
Les Anglais boivent du thé à plusieurs moments de la journée, mais le rituel le plus emblématique est l’afternoon tea, également appelé five o’clock tea. Traditionnellement, ce moment de convivialité se situe entre 15h30 et 17h00, souvent autour de 16h ou 17h, ce qui explique le nom de « five o’clock tea ».
Ce rituel, instauré au XIXe siècle par la duchesse de Bedford, consistait à combler le long intervalle entre le déjeuner et le dîner par une tasse de thé accompagnée de petites douceurs, et il est rapidement devenu une institution sociale en Angleterre.
En dehors de ce moment précis, les Britanniques consomment aussi du thé tout au long de la journée : au réveil, au petit-déjeuner, vers 11h pour une pause, et parfois même le soir avant de se coucher bien que la caféine qu’il contient ne soit pas appropriée pour un sommeil reposant.
Le thé de l’après-midi est une tradition et un repas composé de sandwichs, de scones avec de la crème épaisse et de la confiture, de pâtisseries sucrées et de gâteaux.
Le thé de l’après-midi a été initialement développé comme un événement social privé pour les dames qui gravissaient les échelons de la société. Ce n’est que lorsque la reine Victoria a adopté le rituel du thé de l’après-midi que celui-ci est devenu une occasion formelle à plus grande échelle, connue sous le nom de “réceptions de thé”.
Ces réceptions pouvaient accueillir jusqu’à deux cents invités, avec une invitation ouverte “chez soi” pour visiter entre 16 h et 19 h, période durant laquelle les invités pouvaient venir et repartir à leur guise ; c’est ainsi qu’est née la tradition du thé de l’après-midi tel que nous le connaissons.
De nos jours, en Grande-Bretagne, le thé de l’après-midi est généralement savouré comme un plaisir occasionnel ou pour célébrer un événement spécial, tel qu’un anniversaire, une fête prénuptiale ou une baby shower avec un groupe d’amis.
La sélection classique de sandwiches servie avec le thé de l’après-midi comprend :
La gamme de thés proposée peut varier mais on retrouve souvent les grands classiques :
Le High Tea est un repas de classe ouvrière pris vers cinq heures ou plus tard, généralement composé d’un repas copieux et d’une théière de thé. Au Royaume-Uni, le High Tea est une tradition qui remonte à la fin du XIXe siècle. Le terme “High” fait référence à la table haute et aux chaises à dossier haut autour de laquelle ce repas était servi. Il s’agissait généralement d’un repas substantiel à base de viande ou de poisson, de pain, de légumes, et de thé, destiné à nourrir les hommes et les femmes qui avaient travaillé toute la journée.
Aujourd’hui, nous connaissons ce repas sous le nom de « dîner » ou « souper ». Certains d’entre nous continuent à appeler ce repas « thé », mais la tradition du « High » a disparu au fil des années. De nos jours, le High Tea peut être quelque chose de plus élaboré, en particulier lorsqu’il est servi dans un hôtel ou un restaurant chic.
La capitale britannique regorge de dizaines d’adresses de qualité. Tout dépend de l’expérience que vous recherchez.
Les hôtels et restaurants de luxe : comptez 50 à 80£ par personne (55 à 90 euros) pour accéder à ces prestigieuses adresses. Le lieu est généralement magnifique, avec très bon service et la nourriture est d’excellente facture.
Voici quelques adresses : Fortnum’s & Mason, Claridge’s, The Ritz, Sketch, Harrod’s, The Dorchester.
Pour ceux qui souhaitent se faire plaisir à prix raisonnable, il existe de nombreux restaurants et cafés qui proposent un afternoon tea pour environ 20-30 livres. Idéal pour ceux qui veulent découvrir et se faire plaisir sans trop dépenser ! Quelques adresses entre 12 et 25£ (15 à 30€) : Knightsbridge Hotel, Podium Restaurant (offre 2FOR1), Richoux, To A Tea, Saatchi Gallery.
Le thé, véritable symbole de la nation anglaise, est surtout un produit d’exportation. Quel paradoxe ! Un peu comme si le vin n’était plus produit en France. Mais ce paradoxe là a fait long feu puisque oui, il y a un vrai producteur de thé anglais sur le sol anglais. Il fallait oser, ils l’ont fait.
Le domaine de Tregothnan est donc le seul espace de production de thé d’Angleterre. On parle d’une production annuelle de 10 tonnes de thé noir sur un domaine de 80 hectares.
Cette plantation de thé est située en Cornouailles. Question climat, ce n’était pas gagné d’avance. je cite Wikipedia :
carte google map de Cornouailles“Malgré son climat doux, la région est exposée 250 jours par an à un ciel nuageux. Les vents de sud-ouest sont très fréquents, sont humides et très doux, et apportent de la grisaille, de la pluie, ou parfois même des dépressions se transformant en tempête. Les températures sont donc modelées par ce vent maritime, avec des hivernales allant de 05° à 15°, et des estivales allant de 15° à 25°.”
Bref, juste l’enfer pour un théier. Mais pas tant que ça en fait puisqu’ils s’en sortent bien.
Le souci principal c’est de bien drainer le sol pour éviter que les racines des théiers ne trempent dans de l’eau trop longtemps. Pour ce qui est de la température, les théiers semblent supporter. Ils supportent des températures très basse au Japon du reste. Et pour les tempêtes, pas de souci, un théier vigoureux peut résisteraux vents des ouragans (Voir cet article sur la production de thé aux Etats-Unis)
Si vous avez envie d’essayer ce thé 100% anglais, direction la boutique de thé sur internet de Tregothnan.
Ces articles pourraient aussi vous intéresser
Le thé vert à la menthe est un produit identitaire de l’Afrique du Nord, symbole de convivialité, de partage et d’hospitalité. Il est devenu un des thés les plus connus au même titre qu’un Earl Grey par exemple. Les bienfaits pour la santé du thé vert à la menthe sont...
Contrairement à ce que l’Occident a longtemps crû, le thé noir n’est pas issu d’un autre type de théier qu’un thé vert. Les mêmes feuilles d’un même théier peuvent très bien servir à produire du thé noir ou du thé vert. Quelle est la différence entre un thé vert et un...
Le thé de grande qualité est principalement produit au Japon, en Chine (surtout dans le Yunnan), en Inde (surtout à Darjeeling), au Sri Lanka et à Taiwan. Ces pays ont un savoir-faire ancestral et des conditions de récolte exceptionnelles. Pourquoi certains thés sont...
