Dette de sommeil : comment la calculer et la récupérer ?

par | 16 Fév 2024 | Mieux dormir

dette de sommeil

Est-il possible de récupérer un manque de sommeil ? Selon la science, oui mais pas aussi facilement qu’on pourrait l’imaginer.

Vous ne pourrez pas récupérer une dette de sommeil ponctuelle, par exemple un vendredi soir festif, par une grasse matinée le samedi. Il faudra en fait plusieurs jours.

Si votre déficit de sommeil est chronique (par exemple, quelques minutes par nuit depuis plusieurs mois), les études sont même plus alarmistes. Il est non seulement difficile de combler ce retard mais en plus son impact sur la santé peut être irrémédiable.

Qu’est-ce qu’une dette de sommeil ?

Le déficit de sommeil ou dette de sommeil (également appelée hyposomnie) est la différence entre la quantité de sommeil dont une personne a besoin et celle qu’elle obtient réellement.

Par exemple, si vous avez besoin de huit heures de sommeil par nuit, mais que vous n’en avez que six, vous avez logiquement un déficit de deux heures de sommeil.

Le calcul n’est toutefois pas aisé car tout le monde n’a pas besoin du même nombre d’heures de sommeil par nuit. Pour certains 6 heures suffisent, pour d’autres ce peut être 9 heures.

Notez bien que la dette de sommeil est cumulative. 3 nuits avec un déficit de sommeil de 1 heure produisent une dette de 3 heures.

Une dette de sommeil ne se ressent pas forcément physiquement. Certaines personnes ne ressentent aucune fatigue physique notable. C’est la raison pour laquelle ce phénomène est si pernicieux. Les études montrent en effet que la plupart des gens peuvent s’adapter cognitivement à une restriction chronique de sommeil (2). Elles ne ressentent pas de fatigue ni de somnolence manifeste. Par contre, elles vont expérimenter une baisse très progressive des performances mentales et physiques.

Comment calculer sa dette de sommeil ?

Calculer sa dette de sommeil peut vous aider à savoir à quel point vous avez besoin de repos supplémentaire à rattraper pour maintenir une bonne santé. Voici une méthode simple :

1. Déterminez votre besoin de sommeil quotidien : la plupart des adultes ont besoin de 7 à 9 heures de sommeil par nuit. Choisissez un chiffre dans cette fourchette qui vous semble le plus adapté.

2. Calculez votre sommeil réel : sur une semaine, notez combien d’heures vous dormez chaque nuit.

3. Faites la différence : pour chaque nuit, soustrayez les heures réelles de sommeil de votre besoin de sommeil quotidien. Par exemple, si vous avez besoin de 8 heures mais n’en avez obtenu que 6, votre dette est de 2 heures pour cette nuit.

4. Additionnez les dettes : faites la somme des heures de dette de chaque nuit sur une semaine pour obtenir votre dette totale de sommeil.

Par exemple, si vous accumulez 2 heures de dette chaque nuit pendant une semaine, votre dette totale de sommeil serait de 14 heures.

Combien de temps faut-il pour récupérer une dette de sommeil ?

Selon une étude de 2016, il faut quatre jours de sommeil réparateur pour récupérer complètement d’une heure de sommeil perdue (1). Une grasse matinée ne peut donc pas compenser une nuit de bamboche.

De plus, si vous dormez trop longtemps le samedi et le dimanche pour compenser, il est ensuite difficile de se coucher à la bonne heure le dimanche soir. Le déficit se prolonge donc quelques temps.

Questionnaire rapide pour estimer votre manque de sommeil

Ce questionnaire pourra vous aider à faire le point sur un éventuel manque de sommeil.

⚠️ Il reste indispensable de consulter un professionnel de santé, si vous avez le moindre doute quant à la qualité ou à la quantité de votre sommeil.

  1. Etes-vous sujet à des maux de tête le matin au réveil ?
  2. Avez-vous du mal à vous endormir ou à vous réveiller (plus de 30 minutes pour s’endormir) ?
  3. Vous sentez-vous souvent somnolent pendant la journée ?
  4. Avez-vous des difficultés à vous concentrer ?
  5. Vous sentez-vous souvent irritable ou déprimé ?
  6. Avez-vous des problèmes de mémoire ou d’apprentissage ?
  7. Avez-vous des problèmes de coordination ou de stabilité ?
  8. Avez-vous des troubles de l’humeur ou de l’appétit (fringales notamment) ?
  9. Avez-vous besoin de café ou d’autres stimulants pour vous maintenir éveillé pendant la journée ?

Si vous avez répondu une majorité de « oui » alors vous devriez en parler à un médecin au plus vite.
Vous pouvez aussi adopter dès maintenant de bonnes pratiques pour améliorer votre sommeil.

Comment rattraper une dette de sommeil selon la science ?

Faire une sieste : vrai

La sieste est souvent le premier réflexe pour récupérer rapidement d’une nuit agitée. Les études scientifiques confirment ce ressenti. Une courte sieste de 10 à 20 minutes permet de se sentir ragaillardi. Une sieste en milieu d’après-midi permet effectivement d’améliorer la mémoire et l’acuité intellectuelle.

Faire la grasse matinée le week-end : faux

Une étude a montré que faire la grasse matinée le week-end ne permet pas forcément d’inverser le dérèglement métabolique et la prise de poids potentielle associée à une perte de sommeil chronique. (3)

Faire la grasse matinée une ou deux fois peut aider mais ce n’est pas suffisant. Des recherches indiquent qu’il faut jusqu’à quatre jours pour récupérer d’une heure de sommeil perdue et jusqu’à neuf jours pour éliminer complètement une dette de sommeil accumulée suite à 10 jours de restrictions de sommeil. (6).

Selon les résultats de l’étude, une semaine complète de récupération après ces 10 nuits de sommeil restreint n’est pas suffisant pour retrouver un cerveau pleinement fonctionnel.

Distinguer manque de sommeil ponctuel et déficit chronique

Le déficit de sommeil aigu

La dette de sommeil aiguë se produit de façon ponctuelle. Ce chiffre peut se calculer sur les 14 derniers jours en faisant la somme des heures dormies par rapport aux heures de sommeil dont l’organise aurait eu besoin.

Un déficit de sommeil ponctuel peut avoir des répercussions négatives immédiates sur votre équilibre émotionnel, cognitif et physique : plus d’anxiété, nervosité, colères plus fréquente, manque de patience, fonctionnement cognitif ralenti…

Une étude montre que si vous restez 18 heures sans dormir, vous souffrirez des mêmes troubles cognitifs qu’avec un taux d’alcoolémie de 0,05 % dans le sang.

Après 24 heures sans sommeil, l’effet est similaire à celui d’un taux d’alcoolémie de 0,10 %, qui est supérieur à la limite légale pour prendre le volant. (4)

L’étude montre aussi que si vous passez dix nuits d’affilée avec seulement une heure de déficit de sommeil, votre cerveau pourrait être aussi affaibli que si vous n’aviez pas dormi du tout pendant 24 heures.

Le manque de sommeil chronique

Le manque de sommeil chronique est le résultat de plusieurs mois voire années de nuits trop courtes ou agitées.

Les études montrent que ce déficit chronique a de graves conséquences pour la santé : résistance à l’insuline, un risque plus élevé d’hypertension artérielle, de diabète, d’obésité, de dépression, de maladie cardiaque ou d’accident vasculaire cérébral (5).

Les recherches sur le sommeil montrent que le déficit aigu de sommeil est réversible mais elles ne sont pas concluantes pour la manque de sommeil chronique.

On ne sait pas bien par manque de preuves suffisantes si et comment l’organisme peut rattraper des décennies de manque de sommeil chronique,

Quelles sont les habitudes de sommeil des français ?

Les chiffres de l’enquête Santé Publique France sur le sommeil des français (chiffres de 2017) nous apprennent notamment que 13% des 18-75 ans déclarent avoir des symptômes d’une une insomnie chronique, dont 16,9% des femmes et 9,1% des hommes.

Entre 25 et 30% des 18-25 ans sont en restriction de sommeil, c’est-à-dire que la différence entre le temps de sommeil les jours de repos et le temps de sommeil les jours de travail est de 1 à 2 heures.

35,2% des français sont en dette de sommeil avec une différence entre le temps de sommeil idéal et le temps de sommeil de la semaine supérieur à 60 minutes.

24,2% sont en dette sévère de sommeil, soit une différence de plus de 90 minutes.

Infographie : les français et le sommeil

Études citées

1- Kitamura S, Katayose Y, Nakazaki K, Motomura Y, Oba K, Katsunuma R, Terasawa Y, Enomoto M, Moriguchi Y, Hida A, Mishima K. Estimating individual optimal sleep duration and potential sleep debt. Sci Rep. 2016 Oct 24;6:35812. doi: 10.1038/srep35812. PMID: 27775095; PMCID: PMC5075948. https://pubmed.ncbi.nlm.nih.gov/27775095/

2- Van Dongen, H. P., Maislin, G., Mullington, J. M., & Dinges, D. F. (2003). The cumulative cost of additional wakefulness: dose-response effects on neurobehavioral functions and sleep physiology from chronic sleep restriction and total sleep deprivation. Sleep, 26(2), 117–126.

3- Brooks, A., & Lack, L. (2006). A brief afternoon nap following nocturnal sleep restriction: which nap duration is most recuperative?. Sleep, 29(6), 831–840.
https://academic.oup.com/sleep/article-lookup/doi/10.1093/sleep/29.6.831

4- Williamson AM, Feyer AM. Moderate sleep deprivation produces impairments in cognitive and motor performance equivalent to legally prescribed levels of alcohol intoxication. Occup Environ Med. 2000 Oct. https://www.ncbi.nlm.nih.gov/pmc/articles/PMC1739867/

5- Extent and Health Consequences of Chronic Sleep Loss and Sleep Disorders https://www.ncbi.nlm.nih.gov/books/NBK19961/

6- Ochab, J. K., Szwed, J., Oleś, K., Bereś, A., Chialvo, D. R., Domagalik, A., Fąfrowicz, M., Ogińska, H., Gudowska-Nowak, E., Marek, T., & Nowak, M. A. (2021). Observing changes in human functioning during induced sleep deficiency and recovery periods. https://journals.plos.org/plosone/article?id=10.1371/journal.pone.0255771

7- Le temps de sommeil en France. Enquête Santé Publique France 2019. http://beh.santepubliquefrance.fr/beh/2019/8-9/pdf/2019_8-9.pdf

Guillaume Devaux

A propos de l'auteur

Guillaume Devaux est le fondateur du Paradis du Thé et formateur au Conservatoire National des Arts et Métiers. Il est par ailleurs rédacteur spécialisé dans le domaine de la santé et du développement personnel depuis plus de 20 ans. Il collabore régulièrement avec des médecins, kinésithérapeutes et hypnothérapeutes pour développer une vision globale du bien-être.

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