Comment la science explique le goût du thé

par | 20 Mar 2024 | Articles essentiels

différents types de thé

Les humains peuvent détecter cinq goûts principaux : l’amer, le salé, le sucré, l’acide et l’umami. Ces goûts correspondent à des récepteurs gustatifs sur la langue qui répondent à certaines substances chimiques présentes dans les aliments.

Les saveurs que nous pouvons ressentir sont une combinaison de ces goûts. Cela constitue environ 20% de l’expérience de la saveur. Les 80% restant viennent des molécules volatiles qui composent les arômes. Nous les détectons grâce à notre système olfactif.

Le thé offre une grande palette de goûts et de saveurs

Les différents types de thés peuvent présenter des profils de saveur très variés.

Un thé vert sencha, par exemple, peut avoir une douceur et une onctuosité en bouche que l’on ne retrouve pas dans un thé noir.

Un gyokuro dont les théiers sont recouverts d’une bâche quelques jours avant leur récolte développe une saveur umami caractéristique. L’ombrage ralentit la transformation des acides aminés en polyphénols.

Certains cultivars de thé noir utilisés à Darjeeling en Inde deviennent plus aromatiques lors de l’oxydation alors que les thés noirs japonais (assez rares) produit à partir de cultivars différents sont plus floraux.

La lumière, l’ensoleillement, la présence de certains parasites, les engrais, l’altitude, le type de sol, le moment de la récolte, le mode de fabrication du thé, son vieillissement peuvent tous influencer le goût du thé.

Les 3 phytonutriments qui font le goût du thé

Des milliers de composés chimiques sont présents dans le thé. Ils peuvent être transformés tout au long du processus de fabrication du thé. Trois de ces composés phytochimiques influencent surtout son goût.

La L-théanine

C’est l’acide aminé responsable de la saveur umami du thé. Il représente environ 50 % de la teneur totale en acides aminés du thé. Il n’est présent que dans le thé et un champignon.

C’est lui qui est responsable de la sensation apaisante que l’on ressent quand on boit du thé. Il est capable d’augmenter les ondes cérébrales alpha. C’est aussi lui qui focalise l’attention des chercheurs en raison de ses nombreux bienfaits sur la santé.

Les acides aminés sont les éléments qui s’imbriquent pour constituer les protéines. Le thé contient plus de 35 acides aminés. Ils apportent des arômes de fleur.

La caféine

Ce composé à un goût amer. C’est un stimulant de la classe des méthylxanthines. Il fonctionne en bloquant un récepteur spécifique dans le cerveau, conduisant à une production accrue d’un neurotransmetteur ce qui lui confère cet effet tonifiant qu’on lui connait bien.

La théobromine et la théophylline sont des composés stimulants similaires à la caféine également présents dans le thé mais en moindre quantité. Ils peuvent eux aussi contribuer à un goût amer.

La quantité de caféine dans un thé dépend de son cultivar, de l’utilisation ou non d’engrais, de l’âge des feuilles utilisées…

Le damascénone

Il est présent dans le thé noir. Il est dérivé de la transformation des caroténoïdes. Il apporte des saveurs fruitées, florales (rose) ou boisées. Bien que présent en faibles concentrations, le damascénone a un impact très puissant sur l’arôme global du thé (mais aussi du vin).

L’oxydation des feuilles influence aussi le goût du thé

L’oxydation est une réaction chimique naturelle. Il suffit de couper la feuille d’un arbre pour constater qu’en quelques heures, elles est flétrie et noircie. Lors de ce processus des centaines de réactions chimiques sont à l’oeuvre.

Ces réactions modifient aussi le goût du thé. Pour accélérer le processus, les maitres du thé pétrissent les les feuilles. À mesure que les parois cellulaires des plantes se décomposent, les phytonutriments qui étaient protégés par leur paroi cellulaire entrent en contact avec l’atmosphère. Ces molécules réagissent alors avec l’oxygène de l’air : c’est le processus appelé oxydation.

Plus l’oxydation est longue, plus le damascénone est présent. On obtient ainsi un goût sucré et une grande douceur en bouche. C’est la caractéristique des bons thés noirs que l’on ne retrouve pas dans les thés verts qui ne sont pas oxydés.

La réaction de Maillard

La réaction de Maillard est un processus chimique qui se produit entre les acides aminés, qui sont les éléments constitutifs des protéines, et les sucres réducteurs. Elle se produit dans de nombreux aliments lorsqu’ils sont cuits ou séchés.

Cette réaction chimique est responsable de la formation de nouvelles saveurs et d’une coloration brunâtre. Dans le contexte de la fabrication du thé, en particulier pour les thés partiellement ou entièrement oxydés comme le thé noir et l’oolong, la réaction de Maillard peut jouer un rôle significatif.

Pendant l’étape de séchage ou de torréfaction, sous l’effet de la chaleur, les sucres naturels et les acides aminés des feuilles de thé réagissent ensemble, et la réaction de Maillard se produit.

Cette réaction développe une gamme complexe d’arômes et de saveurs qui peuvent inclure des notes maltées, fruitées, caramélisées ou chocolatées.

Les minéraux du thé changent aussi son goût

De nombreux minéraux sont aussi dans les feuilles de thé. leur teneur dépend de l’environnement. La qualité du sol et la façon avec laquelle il est fertilisé est un facteur important.

Le thé contient notamment du potassium, du magnésium, du calcium, du phosphore, du manganèse du fer… Tout comme les eaux minérales ont des goûts différents, ces minéraux influencent aussi le goût du thé. Le potassium est plutôt amer, voire salé. Le fer peut donner un goût métallique.

Le traitement et le séchage des feuilles de thé peut en plus affecter la biodisponibilité des minéraux et influencer encore le goût, l’arôme et la sensation en bouche.

Le rôle des composés aromatiques

Comme nous l’avons expliqué en introduction, 80% du goût du thé vient en fait de composés olfactifs. Les composés volatils constituent pourtant moins de 0,1 % du poids des feuilles de thé séchées, mais ils sont grandement responsables de l’arôme et de la saveur ressentie.

Les composés aromatiques sont principalement attribués aux composés organiques volatils dérivés de métabolites secondaires des feuilles de thé, à l’oxydation des acides gras et des caroténoïdes, aux produits de la réaction de Maillard présentée ci-dessus et aux métabolites microbiens formés pendant la fermentation le cas échéant pour les thés fermentés.

Les molécules qui constituent les arômes sont produites à partir de caroténoïdes, de lipides, de glycosides… Les caroténoïdes sont des précurseurs d’arômes boisé, floral, fleuri et fruité. Les lipides sont aussi volatiles dans une certaine mesure.

Pour aller plus loin

➤ Si je devais résumer, voilà les éléments chimiques qui influencent le goût du thé :

  • astringence : les flavonol-O-glycosides, les tanins et les catéchines galloylées
  • amertume : la caféine et les catéchines non-galloylées
  • umami : l-théanine, acide succinique, acide gallique et la théogalline
  • arrière-gout sucré : résulte de l’hydrolyse des catéchines galloylées.

💡 Quand on parle de catéchines « galloylées », cela signifie que ces molécules possèdent un groupe gallate, un type d’acide phénolique. Ce groupe gallate augmente l’activité antioxydante de la catéchine. Une des catéchines galloylées les plus connues est l’EGCG (épigallocatéchine gallate), qui est considérée comme l’un des composants exclusif le plus actif et bénéfique pour la santé du thé vert.

➤ Un article ici que nous avons rédigé sur les effets du réchauffement climatique sur le goût du thé.

➤ Ici une fiche de dégustation du thé pour vous entrainer à en apprécier les subtilités

➤ Voilà aussi quelques études scientifiques sur ce sujet :

Un comparatif des phytochimiques de diverses plantations de thé selon leur mode de culture avec des analyse via des outils modernes : Ahmed, S., Peters, C. M., Chunlin, L., Meyer, R., Unachukwu, U., Litt, A., et al. (2013). Biodiversity and phytochemical quality in indigenous and state-supported tea management systems of Yunnan, China. Conserv. Lett. 6, 28–36. doi:10.1111/j.1755- 263X.2012.00269.x. Lire

Un point complet en anglais sur ce que nous savons de la composition exacte du thé : Engelhardt, U. H. (2020). Tea chemistry – What do and what don’t we know? – A micro review. Food Res. Int. 132. doi:10.1016/j.foodres.2020.109120. Lire ici

Un exposé des différents composés du thé et de leur s effets sur le goût :
https://www.sciencedirect.com/science/article/abs/pii/S0924224420304763

Guillaume Devaux

A propos de l'auteur

Guillaume Devaux est le fondateur du Paradis du Thé et formateur au Conservatoire National des Arts et Métiers. Il est par ailleurs rédacteur spécialisé dans le domaine de la santé et du développement personnel depuis plus de 20 ans. Il collabore régulièrement avec des médecins, kinésithérapeutes et hypnothérapeutes pour développer une vision globale du bien-être.

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